Je ne suis pas né avec un casque audio sur la tête mais on peut considérer que c’est tout comme ! Réflexion faite, n’est-ce pas, avec le micro, l’outil que tout journaliste (ou animateur) de radio utilise au quotidien ? Mon premier casque fut un Koss K6/A (un cadeau de communion pour ne déranger personne avec mon adoré radio K7 Bigston qui m’a familiarisé avec la FM). Dans mes souvenirs, il diffusait un son froid et agressif, comparativement à un premier AKG déniché à la foire Saint-Michel à Brest : un K141 datant, comme le Koss et le K242 dont je vais parler plus bas, de la fin des années 70 début 80.
Emballé par la sonorité de ce casque K-141, relevée à la sauce médium, je trouvai chez Emmaüs son grand frère, un K-241 (sorti à la même période). Ce K241 rendit l’âme huit ans plus tard, en 2012 (haut-parleur HS, que je ne suis jamais parvenu à réparer malgré le démontage et un ressoudage). Il faut dire qu’il avait beaucoup vibré à l’écoute de Sonerien Du, de Tri Yann et d’Arthur et les Pirates à la radio…
Direction Boulanger, pour me procurer un K-551 (qui, rapidement perdit son grave et s’émietta, mauvaise qualité de fabrication ?) Je commandai alors le haut de gamme, toujours chez AKG, un K-702 qui est mon casque de tous les jours. Vraiment ? Depuis que je me suis intéressé, en visitant un forum haute-fidélité, aux casques AKG Sextett, précurseurs de mes anciens K-141 et K-241, mon raisonnement a un peu évolué…
AKG Sextett, kesako ?
Il convient tout d’abord d’apporter des précisions sur ce fameux AKG K242 Sextett. C’est la version, pour la France, du casque K-240 dit LP (Last Production). Les haut-parleurs sont couplés à des radiateurs passifs blancs pour mieux gérer les fréquences dans l’oreille de l’auditeur. Ces versions vintage des K-240 et K-242 n’ont pas grand chose à voir avec les nouveaux modèles estampillés MKII. Le K-242 MKII avec lequel je monte et mixe mes reportages à la radio diffuse trop de basses à mon goût, alors qu’avec la version Sextett, on est plus dans le médium (ce qui n’est pas bon non plus pour mixer mais quel plaisir à l’écoute !) L’autre différence tient au fait que les haut-parleurs des K240 et K242 Sextett ont une impédance de 600 Ohms. Un ampli casque est donc nécessaire pour leur faire délivrer tout leur potentiel.
Rodez vos casques ! (et vos enceintes)
Voici le matériel que j’ai utilisé pour le test : le site de streaming Qobuz dans le logiciel Audirvana, en Asio (sur PC), le DAC Micromega Mydac, et l’ampli casque Micromega Myzic. Je précise aussi que j’ai fait fonctionner le K-242 pendant quelques heures avant cette conclusion, car je l’ai acheté d’occasion et j’ai trouvé utile d’effectuer un nouveau rodage, ne sachant pas pendant combien d’années il n’avait pas servi… J’ai fait tourner pendant quatre heures, dans Foobar2000, la solution de rodage Progressive (que vous pouvez télécharger pour quelques euros sur le site de BR8KIN). Les haut-parleurs sont excités à des fréquences qu’ils sont rarement amenés à reproduire, ce qui fut très positif pour gagner en dynamique et en relief, et finalement en réalisme !
Enfin, voici ma conclusion. Elle est sans surprise par rapport à ce qu’on lit sur les sites et les forums spécialisés HIFI. Le casque AKG K242 (et donc le K240 LP) délivre un son d’excellente facture. Avant le rodage, il paraissait étriqué, comme s’il était branché sur la sortie d’une chaîne hifi de mauvaise qualité.
Il peinait aussi, comparé au K-702 (ou au K-701, c’est le même sauf le câble détachable et le look) à surprendre l’auditeur par le relief de la scène sonore (profondeur) et les détails de près ou de loin, voire en haut ou en bas de l’oreille. Je trouvais aussi, avant ce nouveau rodage que les voix manquaient de naturel face à ces deux références (“Rocambolesque Morocco” de Daphné, “Lovesong” d’Adèle, le superbe live de Juliette Armanet à Lyon-Fourvière par exemple).
En résumé, ce sont deux excellents casques ! (mais le K702 fait mieux)
CASQUE AKG SEXTETT K240 / K242 | + de beaux médiums sans renfort de basses inutile | – certains détails sont “noyés” (mais il faut avoir posé le K701 / K702 sur sa tête pour savoir qu’ils existent) et le panoramique sonore est plus limité |
+ casque vivant et dynamique à l’écoute, musical (ou flatteur ?) | – nécessite un ampli (pas un smartphone peu puissant…) à cause de son impédance jusqu’à 600 ohms, prise Jack 6,35 mm | |
CONFORT : 6/10 | + voix parfois plus présentes qu’avec le K-701 / K-702 | – chauffe les oreilles mais AKG vend des coussinets de remplacement, et les élastiques de maintien sont fatigués, c’est du vintage |
SON : 7/10 | + qualité sonore surprenante pour un casque vintage de la fin 1970, début 1980 que vous pouvez acheter entre 30 et 150 € sur internet (le K242 est moins recherché que le K240 dont il existe d’ailleurs plusieurs versions) | – à ne pas confondre avec les récents K-240 MKII et K-242 MKII 55 ohms, le son n’est pas le même mais certains éléments sont interchangeables |
CASQUE K701 / K702 | + d’aération (scène sonore plus vaste), de détails et d’information que le K-240 / K-242 Sextett | – écoute parfois fade et froide, plastique, comparé au Sextett |
+ neutre, et basses en retrait par rapport au Sextett (avantage ou inconvénient ?) | – isole moins que le Sextett (c’est un casque ouvert) | |
CONFORT : 8/10 | + léger, coussinets très confortables, qui entourent bien les oreilles | – le câble du K702 fait beaucoup de noeuds, celui du K240 / K242 pas du tout (profil de gaine différent) |
SON : 8,5/10 | + prise Jack fournie avec adaptateur 3,5 mm vers 6,35 mm et pas besoin d’ampli puissant | |
+ prix canon en neuf (moins de 200 €) |
Grâce au Micromega Mydac, les K701 et K702 font entendre des micro-détails surprenants qui permettent à l’oreille de se représenter les instruments, de les isoler, d’imaginer le mixage sur plusieurs pistes. Les coups de batterie semblent sortir des haut-parleurs (“Get Lucky” de Daft Punk et “Let’s groove” d’Earth Wind & Fire en sont deux parfaits exemples), ce qui est un peu moins le cas avec l‘AKG K-242 Sextett sauf, allez savoir pourquoi, sur l’album “Provision” du groupe Scritti Politti (les voix et les synthétiseurs sont parfaitement à leur place, ça explose bien dans les oreilles et ça sonne vraiment naturel avec le K-242), sur l’épatant “Live in London” de Birdy où l’on est bien plus proche de l’artiste qu’avec le K702, ou encore sur les albums d’Arno, “Charlatan”, “Earth” de la chanteuse finistérienne Aziliz Manrow et “Parcs” de Bertrand Belin. Grâce au K242 Sextett, l’auditeur fait le voyage musical avec l’artiste !
Beaucoup de présence et de détails
Les deux casques sont agréables à écouter mais ils ne jouent pas dans la même cour (le K-702 est analytique, il sonne parfois plastique et les instruments sont bien isolés, tandis que l’AKG K242 Sextett est plus flatteur, la musique a plus de corps je trouve, mais il manque beaucoup de détails).
L’idéal, c’est de posséder les deux références, et c’est possible pour cent euros ! Il y a souvent de bonnes affaires sur leboncoin (privilégiez le K242 Sextett – vendu moins cher car moins recherché – au K240 Sextett, j’ai payé le mien trente euros). Quant aux K701 et K702, leur prix plafonnent en général à soixante-dix euros sur le marché de l’occasion. Des gens les revendent aussi parce qu’ils ignorent que les casques et enceintes ont besoin d’être rodés… Imaginez leur déception !
Enfin, le K240 et le K242 sont à leur maximum lorsque les haut-parleurs sont proches de l’oreille et que les élastiques de suspension ne sont pas usés par le poids des ans… On peut y remédier avec de l’adhésif comme sur la photo au lieu de démonter l’ensemble. C’est toutefois temporaire car il se tasse rapidement. Les coussinets collent aussi aux oreilles, ce qui est embêtant à la longue.
Dernier point, vu que ces deux références de casques ont fait les beaux jours des studios (et le K-702 est toujours fabriqué et utilisé), pourquoi des enregistrements des années 70 et 80 riches en subtilités ont-ils été superbement mixés avec un AKG Sextett ? (certes, il y avait les enceintes de monitoring…) Le K701 et le K702 restituent ces détails avec plus de brio, même sans remasterisation (écoutez donc un vinyle d’époque pour comparer !)
Vous savez quoi ? Le K242 Sextett est devenu l’un de mes casques préférés ! Mais comme on peut aller plus loin en terme de proposition sonore (détails, panoramique…), je ne peux pas malheureusement pas m’en contenter. L’AKG K702 complète donc la panoplie…
© Christophe Pluchon