L’interview et le reportage, pré carré des radios connaissent depuis quelques années un engouement mérité grâce au podcast. Chacun peut, dans sa chambre, réaliser une émission avec un micro, un ordinateur avec le logiciel Audacity ou un smartphone et la poster sur un site dédié comme Google Podcast et Apple Podcast. Même YouTube s’y est mis ! On écoute de plus en plus de podcasts, sur des thèmes que les radios traitent rarement de manière approfondie (le droit des femmes en dehors du 8 mars, tiens c’est aujourd’hui que cet article a été posté !) et même l’environnement, faute d’audience suffisante ou d’un réseau de spécialistes…
De la cuisine sonore
Dans cet article, je vous explique comment je réalise mes reportages de trente minutes pour RCF Finistère. Un reportage est un sujet vivant. C’est un assemblage d’ingrédients, et comme pour une recette de cuisine, il faut bien les préparer, recueillir les meilleures interviews, les plus belles ambiances sur le terrain (et là j’insiste : on ne réalise pas d’entretien à distance, en IP ou téléphone !) Les intervenants argumentent chacun sur une problématique.
Pour le reportage sur Triglaz à découvrir sur ce lien (ou à écouter via le lecteur), il était important que le témoignage des enfants éclaire la visite de ce centre de tri d’emballages ménagers (vos poubelles jaunes, en somme). Chaque choix de reportage et donc de sujet est fonction de l’actualité, de propositions d’attachés de presse, d’associations, d’entreprises ou d’artistes. Je tranche aussi selon l’intérêt pour les auditeurs et selon mes convictions personnelles, c’était le cas pour Triglaz. Autant se faire plaisir tout en gardant de la distance, car le reportage c’est aussi de la création, une forme d’art selon moi. Mais avant d’enregistrer, il faut bien se renseigner, sur le sujet du reportage et sur les conditions d’enregistrement (bruits, intervenants possibles, il ne faut pas hésiter à dire ce qu’on veut car un reportage radio c’est aussi de la publicité gratuite).
Bonnette, mini-perche…
J’utilise depuis plus de dix ans l’enregistreur Zoom H4N avec une bonnette contre les bruits de bouche (les pops) et le vent en extérieur, et depuis le confinement, je lui ai ajouté une mini-perche (en fait c’est un pied de micro). Je ne porte jamais de casque et je n’ai jamais été embêté par cette absence car je connais bien ce magnétophone numérique. Il présente l’avantage de prendre le son assez loin avec ses deux micros en croix, si bien qu’on entend le mot en entier (la première syllabe est rarement “bouffée” lorsqu’on passe d’une personne à l’autre). J’enregistre toujours en mono et sur le terrain, et je prends le plus d’ambiance possible. Pour Triglaz, j’ai enregistré la visite en entier (environ deux heures, et heureusement puisque le “bonjour à tous” du début donne le ton, je trouve). J’ai recommencé l’interview à part (sans pollution sonore, sans résonance, car j’avais dans l’idée de mixer la voix) en prenant soin de rappeler à plusieurs reprises le nom de la personne interrogée, le cadre du reportage et le nom de la radio (RCF). J’évite aussi de faire des relances en studio, tout est enregistré “sur le terrain”.
Demander de se présenter
Souvent, je demande à l’interlocuteur de se présenter (de dire “je m’appelle”, “je suis”, “moi c’est”… avec sa fonction) car ces éléments peuvent se substituer à ma voix, et de faire des phrases, de ne pas répondre par “c’est vrai”, “vous avez raison”… pour pouvoir enlever ma question au cas-où et ainsi dynamiser le reportage. Une autre chose, importante lorsqu’on réalise un reportage radio est de montrer des images au micro, de bien décrire, soit avec des sons, soit avec des mots. Céline, de Triglaz est ce qu’on appelle dans le jargon une bonne cliente car elle questionne à la fois les enfants et l’auditeur sur ce qu’on voit dans l’usine de déchets. Je n’ai pas hésité à demander aux enfants de reprendre leur question et leur réponse spécialement au micro lorsque j’étais loin d’eux. Ce fut le cas en deuxième partie de visite mais je n’ai pas gardé cette partie dans le reportage.
En général, j’évite d’attendre trop longtemps, je profite que tout soit encore frais dans ma tête
Tout le travail se déroule devant l’ordinateur ! Le logiciel (pro) utilisé pour le montage et le mixage sur RCF s’appelle Digas. Il est édité par la société allemande David System. Chez moi, deux écoles s’affrontent pour monter (enlever les euh et les parties inutiles) et mixer confortablement et vite : soit je monte les interviews séparément (en blocs) pour ensuite les glisser sur les voies du mixeur, soit je pratique ce montage “en direct”, c’est à dire en montant et en mixant en même temps. J’ai un faible pour cette deuxième méthode qui permet d’affiner et ne pas retoucher tel ou tel bloc parce que j’aurais oublié un élément. L’autre avantage, c’est qu’on voit le temps défiler et qu’on peut donc s’adapter. Mixer ? Ah oui ! Cela signifie insérer des bouts d’interview, d’ambiance, baisser ou au contraire augmenter le niveau sonore lors d’une transition, ajouter des éléments recueillis sur le terrain que j’aurais pris soin d’isoler dans ce qu’on appelle un chutier. D’où cette chaîne de montagne sur la photo…
Un reportage est une progression sonore autour d’un sujet, et surtout on évite les redites !
Les émissions, ou plutôt les fichiers numériques, une fois réécoutés sont accompagnés d’une présentation pour l’animateur et de quelques mots pour le site internet rcf.fr (la mise en ligne est automatique avec Digas). Je les poste également sur mon site (christophepluchon.com) avec un autre texte qui sera, je l’espère toujours, utilisé par les moteurs de recherche pour indexer le lien de la page. Grâce à Powerpress, un plug-in WordPress, les fichiers MP3 sont référencés par les plateformes de podcasts dont vous trouverez la liste sur l’onglet Finist’On Air avec tous les reportages. Sur ce lien, je donne aussi quelques conseils pour réussir une interview radio. Et pour répondre à la question du début, oui c’est addictif le reportage radio ! C’est de la création sonore, certes on passe du temps devant l’écran et les oreilles sont fortement sollicitées, mais c’est un formidable vecteur de communication, un support magnifique pour raconter une belle histoire.
Vous avez peut-être des questions ? N’hésitez pas à me contacter !
© Christophe Pluchon